samedi 22 octobre 2011

Education sentimentale...

Clèves de Marie Darrieussecq.

Editions POL, 08/2011, 344 pages.

Quatrième de couverture : « Solange se demande s'il vaut mieux le faire avec celui-ci ou avec celui-là. »

Mon avis : La rentrée littéraire possède toujours son lot de romans « qui dérangent », qui font du bruit parmi les critiques, tantôt élogieuses, tantôt désapprobatrices, mais rarement mitigées. Toujours est-il que Clèves, nouveau roman de la désormais célèbre écrivain française (depuis son premier succès, Truismes), Marie Darrieussecq, intrigue et nous interroge.

En effet, il s’agit du réveil d’une jeune enfant, Solange, qui va faire connaissance avec le plaisir charnel, jusqu’à ses premières règles qui la mèneront vers les chemins d’une adolescence toute tournée vers la préoccupation de son corps, de son désir, de ses fantasmes, et de l’autre sexe. Ce parcours est retracé avec les mots d’une jeune fille dépourvue de toute éducation sexuelle, qui a grandi dans les années 70-80 au coeur d’un village paumé, et qui tente de mettre un nom sur les émotions qu’elle ressent et les parties du corps qu’elle apprend à connaitre. Aux critiques qui réagissent à la vulgarité qui en découle (et aux 63 occurrences du terme « bite » qui jalonnent ces 344 pages !), nous pourrions répliquer que l’auteur n’a voulu retranscrire qu’un cadre réaliste ; en somme, un travail formel très intéressant.

Son écriture est alors incisive, parcourue d’expressions de l’époque. Des mots qui sortent de la bouche d’une adolescente, tout simplement. Peut-être est-ce là la clef de ce mystérieux sentiment qui bouleverse le lecteur, à savoir une identification implacable avec Solange. En tant qu'homme, je craignais de ne pas comprendre les aléas physiques et émotionnels de la jeune fille. Bien au contraire, il m’a semblé que l’auteur avait réussi son pari de parler au nom de tous (et surtout de toutes) et à mettre des mots là où, enfants ou pré-adolescents, nous avions du mal à nous représenter la sexualité et tout ce qui l’entoure. Les mots sonnent juste et nous renvoient à nos souvenirs, parfois embarrassants, parfois drôles, mais toujours bouleversants.

Marie Darrieussecq est un nom que je retiendrai longtemps, pour avoir su parler avec justesse et naturel de la sexualité, dans toute sa complexité émotionnelle, charnelle et « identitaire ».

Un bon roman.

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