dimanche 30 octobre 2011

Eros sous le soleil...

Si le grain ne meurt d’ André Gide.


Quatrième de couverture : « Le motif secret de nos actes, et j'entends : des plus décisifs, nous échappe ; et non seulement dans le souvenir que nous en gardons, mais bien au moment même. Sur le seuil de ce que l'on appelle : péché, hésitais-je encore ? Non ;j'eusse été trop déçu si l'aventure eût dû se terminer par le triomphe de ma vertu que j'avais déjà prise en dédain, en horreur. Non ; c'est bien la curiosité qui me faisait attendre... »

Mon avis : André Gide, éminent esprit de la littérature du XXème siècle se livre dans cette autobiographie publiée en 1924 dans laquelle il raconte son enfance et son adolescence, plus précisément la métamorphose d’un enfant enferré dans les carcans du puritanisme où le Bien et le Mal se distinguent nettement l’un de l’autre, à un adolescent libéré des contraintes morales et qui laisse s’épanouir ses penchants latents.

Sous l’ombrage d’une plume majestueuse, d’une écriture à la sensibilité troublante, André Gide livre ses mémoires les plus intimes. Dans une première partie, l’écrivain se propose de relater son enfance aisée mais malheureuse, où les quolibets de ses camarades de classe le hantent, où les distinctions sociales le troublent, où des ténèbres indicibles l’embrassent. André Gide n’est pas un enfant comme les autres. Cependant, il va connaître quelques moments de bonheur à la campagne, entouré de ses cousins et cousines, dans les différents lieux de villégiature appartenant à la famille : chez sa grand-mère paternelle à Uzès dans le Languedoc-Rousillon où il va s’émerveiller des paysages arides ou bien à La Roque dans le Calvados. Ces diversités vont le marquer et nourrir son esprit de contradictions, de questionnements. Ses souvenirs sont également marqués par la présence d’une mère stricte et moralisatrice, Juliette, qui ira jusqu’à contrôler les lectures de son fils. Il passera également entre les mains de multiples professeurs de piano et autres enseignants particuliers qui lui fourniront une éducation en pointillé, André Gide étant suspendu de cours à cause de sa santé fragile.
Une fois sorti des sphères brumeuses de son enfance, André Gide va fréquenter les milieux littéraires et artistiques parisiens (chez José-Maria de Heredia et chez Stéphane Mallarmé notamment) et faire ainsi la connaissance de grands (et futurs) esthètes de son époque tel que Pierre Louÿs, Henri de Régnier, Oscar Wilde ou encore Paul Valéry.

La seconde partie, certainement la plus troublante par son changement de ton et son exotisme, est un récit de la fin de son adolescence, à l’aube de sa vingtième année, où il entreprend avec son ami, Paul Laurens, un voyage à travers les terres arides du Maghreb. C’est dans les dunes de sable brûlant que va s’éveiller au plus profond de son être un désir ardent, une passion grandissante pour les jeunes Arabes au teint hâlé qui l’éblouissent de beauté et le troublent. Son homosexualité muselée peut enfin s’exprimer. Il va alors connaitre les joies de la chair dans les bras de jeunes gens, notamment des adolescents (ô scandale à l’époque !). Cette deuxième partie du livre est très intéressante car André Gide ne se préoccupe pas de camoufler cette homosexualité désormais exprimée pleinement et qui n’allait pas manquer de faire crisser les oreilles les plus chastes du début du siècle, au contraire, il ne se fait pas prier pour décrire des scènes plutôt explicites où les amours masculines transparaissent sans pudeur.
Enfin, la rencontre avec Oscar Wilde et son mignon, Lord Alfred Douglas... un vrai morceau d’anthologie. Quel régal de voir à travers la sensibilité aiguisée d’André Gide, un Oscar Wilde dans sa dernière magnificence où perce déjà les lueurs d’une tragédie à venir... son incarcération qui le mènera à sa déchéance fatale. L’esthète anglais y a une grande place et c’est avec passion que j’ai lu cette dernière partie.

Si le grain ne meurt est une autobiographie formidable, où l’on découvre un André Gide complexe, torturé, sur les chemins de sa destinée.

Passionnant !

2 commentaires:

  1. Je n'ai jamais vraiment accroché à Gide, mais la référence à Wilde à la fin me donne envie ... Je me laisserais peut-être tenter ...

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  2. @ Céline: en effet, si Wilde fait partie de tes auteurs favoris, le voir dans ces derniers instants de grâce est une véritable émotion :)

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