samedi 28 novembre 2009

Les dessous de l'espèce...

Les Caractéristiques de l’espèce de Nathan Sellyn.

Editions Albin Michel, Terres d’Amerique, 11/2009, 210 pages.

Résumé : Salué par une presse unanime, Nathan Sellyn fait une entrée remarquée en littérature avec ce recueil de nouvelles. Energiques, provocantes, dérangeantes, elles évoquent autant les frasques de la jeunesse dorée de Vancouver que la découverte de l’homosexualité et de l’homophobie par un adolescent, ou la destruction d’un couple gavé de téléréalité… Modernes, furieusement contemporains, son style et son univers subjuguent par leur vibration particulière.

Mon avis : Voici un recueil de nouvelles bien intéréssant, qui survole avec fracas les travers de nos sociétés modernes qui tendent à détériorer les relations entre les individus. On y retrouve toutes les moisissures qui gangrènent notre quotidien tel que les ruptures, la violence physique, la jeunesse décadente, l’homophobie, la pédophilie, et autres qualificatifs malsains. Nathan Sellyn est un jeune écrivain américain plein de talent, qui a réussi à me faire sursauter par le dénouement de certaines de ses nouvelles, et qui distille une atmosphère angoissante et brutale grace à son écriture sans fioritures et aux mots ciblés qui viennent heurter votre conscience. Une bonne surprise en somme.
Ma nouvelle favorite reste Passer la douane qui comporte une fin absolument glaciale, ainsi que Quelques notes de retard qui peut faire sourire par son ironie grinçante.
L’ouvrage porte bien son titre et décode les sombres abysses de nos semblables, en rapport permanent avec les relations qui se tissent entre les individus. Une fresque saisissante des dessous d’une espèce imprévisible : l’Homme.

vendredi 27 novembre 2009

Dans le halo brillant des Romains...

Les Dîners de Calpurnia de Jean Diwo.

Editions J’ai Lu, 01/2002, 441 pages.

Résumé: Tandis que Rome brûle, l'empereur Néron est prêt à toutes les folies pour perpétuer son nom. Architecte de talent, Sevurus est l'artisan de son ambition, et a conçu pour lui une demeure à sa démesure, le Vélabre, où se réunissent artistes, poètes et gens d'esprit, tous attirés par le charme de Calpurnia, sa fille adoptive. Femme éprise de liberté, elle fait tout pour que survivent ce lieu magique et ses dîners d'antan. Y compris se mettre elle-même en danger, en cette époque et en cette cité qui n'en manquent pas... De Néron à Hadrien, cette grande et fastueuse fresque fait revivre le Siècle d'Or de l'Empire.

Avis: Je ne sais pas quel bout commencer pour vous signifier la beauté de ce roman historique comme je n’en ai encore jamais lu. Une écriture magnifique, pleine de poésie et de tournures ingénieuses, doublée d’une sensibilité et d’une passion explicite de la part de Jean Diwo. Des pages de ce livre, Rome et ses habitants semblent surgir du passé pour évoluer tout autour de vous. J’ai été littéralement happé par le récit, par le quotidien de cette civilisation brillante et fascinante, j’ai voyagé sur les terres fertiles de l’Empire entre les troncs tortueux des oliviers et des vignes à l’odeur mielleuse, en passant par le forum de Rome magnifié par sa multitude de temples de marbre, étincelants sous le soleil chaleureux d’Italie. Un superbe voyage dans le temps.

Ce livre est aussi, et surtout, une ode à une belle femme romaine, maîtresse d’une magnifique villa, le Vélabre, où se croisent au moment de la cena les plus illustres artistes de son temps tel que Pline le Jeune, Tacite, Martial, Juvénal et autres philosophes et poètes. Cette maison conviviale et chargée d’amitié abritera également les plus grands et talentueux architectes de l’Empire, ainsi nous assistons tour à tour aux folies constructrices des Empereurs tel que la Domus Aurea de Néron ou bien le Colisée de Vespasien ou le forum de Trajan. Calpurnia tient le centre de tout ce petit monde, mais ôh combien prestigieux, et se révèle comme une femme à la force émouvante, au caractère impétueux, armée d’une sensualité déroutante et qui agrémentera ce merveilleux roman du début jusqu’à la fin. C’est au travers de sa longue et palpitante vie que nous assistons à la valse des empereurs de l’âge d’or de la civilisation romaine, aux trahisons et autres assassinats politiques, aux premières persécutions chrétiennes, à l’éruption mortelle du Vésuve qui ensevelira Herculanum et Pompéi sous une épaisse couche de cendres et aux changements progressives des mœurs, bien plus libérées que les nôtres (ce qui donne fortement à réfléchir aux normes actuelles de nos sociétés, notamment au niveau de la sexualité).

J’aurais encore tellement d’autres choses à ajouter mais je m’arrêterai là pour vous laisser le choix de lire ce bijou littéraire qui restera longtemps gravé en vous, comme un souvenir exotique et émouvant, d’un temps révolu.

Gros coup de cœur.

lundi 16 novembre 2009

Une femme poignante...

L’Eveil de Kate Chopin.

Editions Lliana Levi, 01/2006, 180 pages.

Résumé: Une villégiature en Louisiane à la fin du XIX ème siècle : robes de mousseline, ombrelles, soirées musicales, villas du bord de mer et enfants sages. Un univers serein et paisible. Un peu trop, peut-être, aux yeux d'Edna pour qui cette quiétude confine à la torpeur. Une émotion amoureuse, un parfum enivrant et la vie change de registre. C'est «l'éveil». La jeune femme découvre son goût de vivre, sa créativité, son corps, elle-même en somme. Découverte qui ne va pas sans poser problème, dans l'Amérique de ces années-là ; pour l'héroïne du roman et pour l'auteur, dont l'oeuvre fut jugée scandaleuse, dénoncée par la presse et mise au ban des librairies de Saint-Louis en 1899, pour être enfin reconnu dans les années soixante comme l'un des grands classiques de la littérature américaine.

Mon avis: œuvre fortement controversée à l’époque de son écriture, elle est désormais reconnue comme un grand classique de la littérature américaine, criant de vérité sur notre société actuelle, un livre intemporel en somme. En l’ouvrant, nous sommes plongés dans un univers bourgeois au caractère exotique sur Grand-Isle, dans le golfe du Mexique. L’ambiance de la Floride imprègne les pages et nous transportent dans le foyer d’une ravissante jeune femme, mariée, deux enfants, et à la vie aisée, qui passe ses journées à se promener sur la plage avec ses amies et à prendre des bains de mer. Seulement tout va chavirer lorsqu’elle éprouvera un amour passionné pour un bel homme prénommé Robert qui s’éloignera d’elle, la laissant seule avec sa frustration d’un amour perdu à tout jamais. S’éveillera alors en Edna (héroïne du roman) une pulsion depuis longtemps enfouie, une animalité charnelle, qui la fera braver les normes sociétaires d’un univers figé par la richesse et le superficiel, la faisant trôner ainsi comme le modèle même de la femme libérée, celle qui n’est plus soumise aux strictes règles de la société et qui est à l’écoute de ses sens et de ses envies. Charnel, puissant, émouvant, ce livre ne vous laissera pas indifférent. Coup de cœur, assurément!

samedi 14 novembre 2009

Comment être déçu...

La bouffe est chouette à Fatchakulla de Ned Crabb.

Folio Policier, 06/2008, environ 250 pages.
Résumé: Les esprits curieux qui se demanderont quelle était la véritable identité du monstrueux individu qui tuait ses victimes dans le canton de Fatchakulla, Floride (spécialités : marais, ratons laveurs, alligators, fornicateurs et buveurs de bière) en les dépeçant, lacérant, mutilant et semant aux quatre vents, auront tôt ou tard tendance à croire à la responsabilité du Démon dans cette histoire. Erreur. Mais… voyez plutôt. Et prière de ne pas faire trembler les pages du bouquin avec vos doigts.
Mon avis: c’est avec beaucoup d’attente et de joie que j’avais ouvert ce livre, unique roman de cet auteur méconnu, et je me suis laissé emballer par les premières pages où un mystérieux tueur s’en prend aux habitants déjantés d’une petite ville de Floride, mais… quelle ne fut ma déception lorsque je vis au fil des pages un humour totalement médiocre et extrêmement banal, doublé de personnages aussi ringards les uns que les autres et un final absolument catastrophique, qui tombe à plat et nous laisse une seule envie: déchirer le livre! J’ai tout de même réussi à le finir car l’écriture est plutôt fluide et j’avais été emballé par l’identité cachée du tueur… quelle déception! Toutes les éloges étaient tournées vers ce livre « Lisez-le, vous vous fendrez la poire à coup sûr! », « Bondissez sur LE livre le plus hilarant! » , quelles bandes de sornettes! En bref, passez votre chemin, vous n’avez strictement rien raté! Ned Crabb n’est pas un auteur! Précipitez-vous plutôt sur Le Lézard lubrique de Melancholy Cove de Christopher Moore ou bien Cul-de-Sac de Douglas Kennedy, là c’est le summum du roman policer décalé!