samedi 3 décembre 2011

Il suffit d'une nuit...

Cette nuit-là de Linwood Barclay.

Editions poche J’ai lu, 02/2011, 475 pages.

Quatrième de couverture : « Vous vous réveillez un matin, la maison est vide, votre famille a disparu... » Grâce a quatorze ans. Elle a fait le mur pour la première fois, telle une adolescente rebelle devant l'autorité familiale. Sauf que, le lendemain, plus aucune trace de ses parents et de son petit frère. Et aucun indice. Vingt-cinq ans plus tard, elle n'en sait toujours pas davantage. Jusqu'à ce qu'un coup de téléphone fasse resurgir le passé... Une intrigue magistrale qui se joue de nos angoisses les plus profondes.

Mon avis : Depuis quelques temps, les thriller étaient sagement rangés dans la bibliothèque, attendant patiemment que je daigne les parcourir. Et voilà qu’une amie attentionnée me prête Cette nuit-là, un polar dont j’avais entendu parler sans jamais l’avoir abordé. Je me suis donc plongé avec délectation dans ce roman au suspense implacable, manié de main de maître.

Le point de départ de l’intrigue est terrifiant : une adolescente se réveille un matin et toute sa famille a mystérieusement disparu. On la retrouve vingt-cinq plus tard, toujours hantée par cette nuit où son existence a brusquement basculé, et dont elle n’arrive toujours pas à percevoir une once de réponse parmi le fourmillement des questions que soulève cette affaire.
Meurtres en série ? Kidnapping ? Le mystère reste entier jusqu’au dernier quart du roman.

Durant plus de 400 pages, l’auteur nous mène vers des pistes qui interrogent son lecteur en brouillant ses réflexions, jusqu’à ce que l’horrible révélation surgisse. Les indices sont distillés au fur et à mesure, toujours dans des situations où l’angoisse est palpable. Sans détour possible, notre lecture est toute orientée vers une finalité qui se veut sinistre, en marge de ce que le lecteur, pourtant chevronné de littérature policière, s’imaginait. Les pages se tournent à une vitesse hallucinante. Préparez-vous à passer des nuits courtes !

Je remercie chaleureusement Florence pour m’avoir permis de découvrir cet auteur qui maîtrise le suspense avec brio !

Prêts pour une nuit blanche ?

jeudi 24 novembre 2011

Désir impérieux!

Un soir de décembre de Delphine de Vigan.

Editions Points, 01/2007, 195 pages.

Quatrième de couverture: « Quarante-cinq ans, une femme, deux enfants, une vie confortable, et soudain l'envie d'écrire, le premier roman, le succès, les lettres d'admirateurs... Parmi ces lettres, celles de Sara, empreintes d'une passion ancienne qu'il croyait avoir oubliée. Et qui va tout bouleverser. Au creux du désir, l'écriture suit la trajectoire de la mémoire, violente, instinctive - et trompeuse. »

Mon avis: Alors que Rien ne s’oppose à la nuit s’affiche comme l’un des plus grand succès de la rentrée littéraire 2011, que Delphine de Vigan est l’un des écrivains les plus cités dans la blogosphère, voilà enfin venu le temps de m’intéresser à cette femme de lettres à la renommée grandissante, voire établie. J’ai choisi Un soir de décembre sous les fortes recommandations d’une amie chez qui le bon goût est inné.

C’est le récit de la vie d’un écrivain sous les feux de la rampe après les vertigineuses ventes de son premier roman et les critiques élogieuses. Des lettres de femmes anonymes lui parviennent par dizaines, son éditeur se fait une joie de lui faire parvenir. A part une. Déposer dans la boite aux lettres de son domicile. Pas de nom, pas de signature, juste l’écriture d’une femme en proie à un regret. Celui d’avoir interrompu leur idylle sauvage avant le mariage de l’écrivain.Cette femme inconnue, dont il découvrira peu à peu la véritable identité, enflamme son désir avec une force démentielle, le poussant à se retrancher de sa propre existence, abandonnant les êtres qu’il aime et qui l’entoure. Tout perd substance autour de lui, il ne vit que pour cette passion déchue, ancienne, qui fait soudainement surface, tel un cataclysme des sens.

Les sens sont ébranlés. Ce roman est éminemment sensuel, voire fortement érotique. Les lettres de cette femme déclenchent chez Matthieu (le protagoniste) une envie soudaine de posséder son corps, de revivre ces moments torrides entre les bras de l’amante langoureuse qu’elle fût. Il veut sentir à nouveau ses sens s’embraser dans le tourbillon de l’acte charnel. L’auteur déploie toute une poétique du corps, de la peau en ébullition, du désir trop longtemps contenu.Vive, dynamique et sans fioritures, à l’image de cette passion dévorante, l’écriture de Delphine de Vigan vise à faire ressentir au plus profond de la chair la suprématie du désir.

Bon roman qui se déguste avec passion!

mardi 22 novembre 2011

Douce Italie...

Le soleil des Scorta de Laurent Gaudé.

Editions Actes Sud, collection Babel, 03/2006, 285 pages.

Quatrième de couverture: « L'origine de leur lignée condamne les Scorta à l'opprobre. A Montepuccio, leur petit village d'Italie du Sud, ils vivent pauvrement, et ne mourront pas riches. Mais ils ont fait voeu de se transmettre, de génération en génération, le peu que la vie leur laisserait en héritage. Et en dehors du modeste bureau de tabac familial, créé avec ce qu'ils appellent « l'argent de New York », leur richesse est aussi immatérielle qu'une expérience, un souvenir, une parcelle de sagesse, une étincelle de joie. Ou encore un secret. Comme celui que la vieille Carmela confie au curé de Montepuccio, par crainte que les mots ne viennent très vite à lui manquer. »

Mon avis: Laurent Gaudé, après ma lecture de son avant-dernier roman, La porte des Enfers, j‘avais été subjugué par la force d‘écriture et l‘imaginaire de cet auteur. Avec Le soleil des Scorta, Goncourt 2004, il devient, à mes yeux, un auteur français incontournable. Si vous n’avez encore jamais découvert cet auteur, c’est l’occasion ou jamais.

Ce roman est une merveille. Très bien construit, il alterne les confessions d’une vieille femme, Carmela Scorta, et le récit de sa famille, et plus largement de toute la lignée des Scorta. Cette famille est née d’un drame et se retrouve confrontée à une malédiction qui frappe sans relâche les membres du clan Scorta. Ces hommes et ces femmes tentent alors d’accéder à une situation stable afin de trouver les voies du bonheur et de la sérénité, dans un paysage aride, calciné par le soleil de l’Italie du Sud. Seuls les oliviers y résistent.

Ce paysage sec et brûlant forme le carcan du roman, et les protagonistes y sont assujettis, voués à une existence gorgée de soleil. La vie et la mort brasse le rythme des journées dans ce petit village du sud de l’Italie, Montepuccio. Les traditions les plus antiques subsistent encore, tout un climat autochtone qui est voué à un cycle éternel, tel un supplice. C’est alors que surgit la lignée des Scorta, véritable cataclysme pour la petite communauté. Ces gens-là sont perçus comme des fous, fils d’un homme sanguinaire, sans foi ni loi. Ce roman, c’est l’histoire des descendants qui essayent de s’extirper de cette réputation sulfureuse pour tenter de construire un avenir stable et heureux à travers une époque qui change et mute sans cesse (des années 1870 à 1980) tout en gardant la fierté d’être des Scorta.

Récit d’une famille avec ses joies et ses peines, Le soleil des Scorta est un roman profondément humain, très émouvant.

Sublime!

dimanche 20 novembre 2011

Héroïsme.

HHhH de Laurent Binet.

Editions LGF, collection Le Livre de Poche, 05/2011, 442 pages.

Quatrième de couverture : «Prague, 1942, opération « Anthropoïde » : deux parachutistes tchèques sont chargés par Londres d'assassiner Reinhard Heydrich, le chef de la Gestapo et des services secrets nazis, le planificateur de la Solution finale, le « bourreau de Prague ». Heydrich, le bras droit d'Himmler. Chez les SS, on dit de lui : « HHhH ». Himmlers Hirn hei(...)t Heydrich - le cerveau d'Himmler s'appelle Heydrich. Dans ce livre, les faits relatés comme les personnages sont authentiques. Pourtant, une autre guerre se fait jour, celle que livre la fiction romanesque à la vérité historique. L'auteur doit résister à la tentation de romancer. Il faut bien, cependant, mener l'histoire à son terme... »

Mon avis : Prix Goncourt du premier roman, HHhH fut le succès de l’année dernière. Les éloges ne manquent pas pour qualifier ce roman ambigu qui s’efforce de restituer la réalité historique en luttant contre la tentation du romanesque. Cette double identité (d’un côté l’Histoire, de l’autre la création) lui confère un statut atypique. L’auteur fait même part de ses choix narratifs au lecteur, porté par son combat contre l’invention, délivrant ainsi une oeuvre troublante, dotée d’une véritable force d’écriture.

L’intrigue? Un véritable attentat fomenté par deux parachutistes tchèques contre le bras droit d’Himmler, troisième homme le plus puissant du IIIème Reich : Reinhard Heydrich. Ce dernier est à Prague, élu à la tête du Protectorat, lorsque l’un des assassinats les plus déterminants de l’Histoire de la seconde guerre mondiale se dessine à l’insu de l’Occupant. Laurent Binet brosse un portrait démoniaque d’Heydrich, surnommé « la bête blonde » ou bien « le boucher de Prague », autant de surnoms qui rendent l’homme très peu sympathique et lui confèrent les attributs d’un chef des polices criminelles sanguinaire, sans pitié, psychopathe suprême. Son histoire nous est contée, de son enfance à son ascension progressive mais fulgurante au sein de l’organigramme nazi, jusqu’à sa mort dans un virage serré de la « ville aux cent clochers ». Ses coups les plus bas ne nous sont pas épargnés. Le portrait est saisissant, celui d’un être humain gangrené par une soif de sang et de pouvoir. La mégalomanie d’Hitler trouve son déversoir dans le sang-froid imperturbable d’Heydrich qui n’hésite pas à salir ses mains. C’est d’ailleurs lui qui sera à l’origine de la Solution finale.

Derrière cet homme monstrueux se cachent Gabcik et Kubis, les deux parachutistes envoyés à Prague pour l’assassiner. Le gouvernement tchèque, exilé à Londres, ainsi que le gouvernement britannique, décident de lancer l’opération « Anthropoïde ». Ces deux hommes, dont le destin pourrait faire l’objet d’un roman, vont se retrouver confronter à une tâche délicate et éminemment dangereuse.
Les préparatifs ainsi que le long cheminement qui les portera vers leur destin, est un des moments les plus forts du « roman ». Les deux jeunes hommes se cachent dans une ville en proie à la peur, où les dénonciations sont aussi vives que des brasiers et le danger permanent.
Toute la sympathie de Laurent Binet se tourne vers ces héros de guerre, ainsi que toutes les personnes qui les aideront à accomplir leur devoir. L’émotion qui se dégage de ces pages de mémoire envers les résistants tchèques est palpable et véritablement touchante.

Laurent Binet a réussi le pari de restituer toute la vérité historique en incluant une grande part d’émotion et de ressenti (inévitable) envers ses personnages. Son écriture est grandement maîtrisée et son sujet est perçu, non pas comme une leçon d’histoire, mais bel et bien comme un témoignage vibrant de la lutte contre le nazisme par des gens ordinaires qui ont accompli l’extraordinaire. Des actes de bravoure en plein désespoir.

Un magnifique « roman ». Magistral !

COUP DE COEUR !

dimanche 30 octobre 2011

Eros sous le soleil...

Si le grain ne meurt d’ André Gide.


Quatrième de couverture : « Le motif secret de nos actes, et j'entends : des plus décisifs, nous échappe ; et non seulement dans le souvenir que nous en gardons, mais bien au moment même. Sur le seuil de ce que l'on appelle : péché, hésitais-je encore ? Non ;j'eusse été trop déçu si l'aventure eût dû se terminer par le triomphe de ma vertu que j'avais déjà prise en dédain, en horreur. Non ; c'est bien la curiosité qui me faisait attendre... »

Mon avis : André Gide, éminent esprit de la littérature du XXème siècle se livre dans cette autobiographie publiée en 1924 dans laquelle il raconte son enfance et son adolescence, plus précisément la métamorphose d’un enfant enferré dans les carcans du puritanisme où le Bien et le Mal se distinguent nettement l’un de l’autre, à un adolescent libéré des contraintes morales et qui laisse s’épanouir ses penchants latents.

Sous l’ombrage d’une plume majestueuse, d’une écriture à la sensibilité troublante, André Gide livre ses mémoires les plus intimes. Dans une première partie, l’écrivain se propose de relater son enfance aisée mais malheureuse, où les quolibets de ses camarades de classe le hantent, où les distinctions sociales le troublent, où des ténèbres indicibles l’embrassent. André Gide n’est pas un enfant comme les autres. Cependant, il va connaître quelques moments de bonheur à la campagne, entouré de ses cousins et cousines, dans les différents lieux de villégiature appartenant à la famille : chez sa grand-mère paternelle à Uzès dans le Languedoc-Rousillon où il va s’émerveiller des paysages arides ou bien à La Roque dans le Calvados. Ces diversités vont le marquer et nourrir son esprit de contradictions, de questionnements. Ses souvenirs sont également marqués par la présence d’une mère stricte et moralisatrice, Juliette, qui ira jusqu’à contrôler les lectures de son fils. Il passera également entre les mains de multiples professeurs de piano et autres enseignants particuliers qui lui fourniront une éducation en pointillé, André Gide étant suspendu de cours à cause de sa santé fragile.
Une fois sorti des sphères brumeuses de son enfance, André Gide va fréquenter les milieux littéraires et artistiques parisiens (chez José-Maria de Heredia et chez Stéphane Mallarmé notamment) et faire ainsi la connaissance de grands (et futurs) esthètes de son époque tel que Pierre Louÿs, Henri de Régnier, Oscar Wilde ou encore Paul Valéry.

La seconde partie, certainement la plus troublante par son changement de ton et son exotisme, est un récit de la fin de son adolescence, à l’aube de sa vingtième année, où il entreprend avec son ami, Paul Laurens, un voyage à travers les terres arides du Maghreb. C’est dans les dunes de sable brûlant que va s’éveiller au plus profond de son être un désir ardent, une passion grandissante pour les jeunes Arabes au teint hâlé qui l’éblouissent de beauté et le troublent. Son homosexualité muselée peut enfin s’exprimer. Il va alors connaitre les joies de la chair dans les bras de jeunes gens, notamment des adolescents (ô scandale à l’époque !). Cette deuxième partie du livre est très intéressante car André Gide ne se préoccupe pas de camoufler cette homosexualité désormais exprimée pleinement et qui n’allait pas manquer de faire crisser les oreilles les plus chastes du début du siècle, au contraire, il ne se fait pas prier pour décrire des scènes plutôt explicites où les amours masculines transparaissent sans pudeur.
Enfin, la rencontre avec Oscar Wilde et son mignon, Lord Alfred Douglas... un vrai morceau d’anthologie. Quel régal de voir à travers la sensibilité aiguisée d’André Gide, un Oscar Wilde dans sa dernière magnificence où perce déjà les lueurs d’une tragédie à venir... son incarcération qui le mènera à sa déchéance fatale. L’esthète anglais y a une grande place et c’est avec passion que j’ai lu cette dernière partie.

Si le grain ne meurt est une autobiographie formidable, où l’on découvre un André Gide complexe, torturé, sur les chemins de sa destinée.

Passionnant !

mercredi 26 octobre 2011

"Lolita, lumière de ma vie, feu de mes reins."

Lolita de Vladimir Nabokov.

Editions Folio, 05/2001, 532 pages.

Quatrième de couverture : « Lolita, lumière de ma vie, feu de mes reins. Mon péché, mon âme. Lo-lii-ta : le bout de la langue fait trois petits pas le long du palais pour taper, à trois reprises, contre les dents. Lo. Lii. Ta.
Le matin, elle était Lo, simplement Lo, avec son mètre quarante-six et son unique chaussette. Elle était Lola en pantalon. Elle était Dolly à l'école. Elle était Dolorès sur les pointillés. Mais dans mes bras, elle était toujours Lolita. »

Mon avis : Certains classiques se sont forgés dans le scandale, la censure éditoriale n’hésitant pas à refuser les manuscrits pour cause de déviances morales et obscénités. Ce fut le cas pour ce célèbre roman américain qui marqua le XXème siècle et fut érigé à juste titre comme l’un des plus grands romans de la littérature mondiale après moultes critiques acerbes et attaques virulentes de la part d’intellectuels bornés.

En effet, Lolita, c’est l’histoire d’un quadragénaire qui tombe éperdument amoureux d’une enfant de 12 ans, Dolores Haze. Pédophilie. Relation incestueuse. Viol. Les chefs d’accusation pour ce roman ne manquent pas. Or, nous sommes incontestablement en présence d’une merveille littéraire, d’un Eden de la langue. Le fond importe (du moins ne faut-il pas y plaquer une quelconque immoralité), mais la forme prévaut. Ou plutôt pourrions-nous dire que les deux s’entremêlent étroitement, en provoquant chez le lecteur un sentiment ambigu : d’un côté l’horreur de la situation, de l’autre une irrésistible gourmandise littéraire. Humbert Humbert, le narrateur, qui raconte son histoire avec la « nymphette », Lolita, piège son lecteur, le porte à ses côtés et le dérange. Nous avons accès à tous ses états d’âme, à tous ses sentiments confus, et nous n’avons jamais (ou du moins rarement) accès aux pensées de la jeune fille. De plus, et c’est là que Lolita, à mes yeux, est une véritable réussite, le narrateur use d’une écriture exquise, alambiquée, proustienne pour ainsi dire, qui invente et innove. Le travail sur la langue est prodigieux, véritable enchantement, au rythme ensorcelant, telle une incantation. Pour le lecteur passionné de littérature, les références intertextuelles font légion et agissent comme autant de clins d’oeil conniventiels de la part de l’auteur: Proust, Sade, Mallarmé, Baudelaire ou encore Edgar Allan Poe.

Cette écriture, superbe, est d’une sensualité débordante. L’érotisme des mots baigne le roman et lui confère une aura délicieusement délictueuse, dépourvue de toute vulgarité et autre argot dépréciatif. En effet, Vladimir Nabokov déploie un langage littéraire choisi et éminemment voluptueux, qui est à juste titre appelé «poérotisme » de la part de Maurice Couturier ( dans Roman et censure, ou la mauvaise foi d’Eros), autrement dit, l’érotisme est vu ici comme un travail sur les formes et non pas comme un discours fallacieux et enjolivé qui consisterait à dire des obscénités déguisées. Cette poésie des mots, qui éveille les sens, donne au roman une virtuosité langagière admirable.

Je ne taris pas d’éloges à propos de ce grand roman, mais je dois bien m’arrêter à un moment donné, sous peine d’en trop dévoiler. Je vous laisse à votre curiosité et à votre amour de la littérature pour découvrir, si cela n’est pas déjà fait, ce roman marquant.

Un coup de coeur ! Magistral !

dimanche 23 octobre 2011

Bile noire...

Melancholia de Lars Von Trier.

2011, avec John Hurt, Kirsten Dunst, Charlotte Gainsbourg.


Synopsis : « À l'occasion de leur mariage, Justine et Michael donnent une somptueuse réception dans la maison de la soeur de Justine et de son beau-frère. Pendant ce temps, la planète Melancholia se dirige vers la Terre... » (Allociné).

Mon avis : un nouveau film de Lars Von Trier est toujours un évènement attendu. Les questions se bousculent : va t-il encore jouer la carte de la provocation ? Va t-il encore une fois déranger et exaspérer la critique ? Rien de moins sûr lorsqu’il évoque à sa manière la fin du monde...

Après le terrible Antichrist, film abject mais néanmoins remarquable sur le plan esthétique, on espérait que le sulfureux réalisateur allait en revenir à ses sources poétiques noires mais majestueuses où les tableaux filmiques se succèdent et envoûtent ses spectateurs. Melancholia arrive sur les écrans. Nous sommes subjugués.

Ce film est un bijou à l’état brut. Véritable concentré de plans inoubliables, magnifiques et bouleversants. Les cinq premières minutes du film, envoûtantes, sublimées par la musique de Wagner, nous montrent une fin du monde angoissante. Les tableaux se succèdent avec une Kirsten Dunst majestueuse, flanquée d’une robe de mariée d’un blanc étincelant au coeur de paysages inquiétants mais somptueux, digne des plus grands maîtres préraphaélites (à ce propos, Ophelia du peintre anglais John Everett Millais a inspiré la scène de la mariée emportée par un courant où baignent des nénuphars, qui est également l’affiche du film). Ces minutes de pure jouissance esthétique donnent le ton sinistre et éminemment beau du film.

Deux parties scindent le film et lui portent un point de vue différent, celui de deux soeurs diamétralement opposées : d’un côté, Kirsten Dunst, la blonde, qui se marie mais sombre rapidement dans les limbes de la dépression (la melancholia, au sens grec), et de l’autre, Charlotte Gainsbourg, la brune, mariée à un homme fortuné, avec lequel elle a un enfant. La première est fataliste, la seconde essaye de se raccrocher à de vains espoirs. Deux façons d’envisager la dernière journée de leur vie. Lars Von Trier a fait l’effort de travailler ses personnages féminins et leur a donnés une consistance intéressante, portée en plus par deux excellentes actrices (au même titre que Kirsten Dunst, Charlotte Gainsbourg aurait mérité de gagner la palme de la meilleure interprète féminine à Cannes...).

La fin du film est magnifique, d’une rare intensité. Elle survient, inexorable, alors que nous y sommes préparés depuis le début. La menace que représente cette planète, qui se rapproche de la Terre et se prépare à la percuter à tout moment, est constante et se fait sentir durant tout le film. Cette angoisse est palpable et laisse le spectateur en émoi jusqu’à la dernière seconde.

Superbe !